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Publié le 22/03/2015 à 06:26
La médecine s'ouvre aux guérisseurs
C'est un excellent médecin de famille. Le genre à avoir mis en garde ses patients contre le médiator bien avant qu'éclate le scandale. Un grand lecteur de la revue Prescrire et un rationnel bienveillant qui vous écoute puis vous ausculte le temps qu'il faut, sans rien omettre, avant de poser son diagnostic et de rédiger une ordonnance «classique» et respectueuse de la sécu. Bref… un sérieux, à qui l'on pose la question “piège” du zona, ses douleurs et brûlures associées.
Savoir ce qu'il fait, dans ce cas-là.
«Eh bien c'est vrai que le médecin n'a pas grand-chose à proposer pour ça. Alors moi, je transmets l'info aux patients. Je leur dis que s'ils connaissent quelqu'un qui coupe le feu, qu'ils n'hésitent pas, à la condition expresse que ce quelqu'un ne leur fasse rien prendre par voie orale ou qu'il ne leur applique aucune préparation sur le corps», explique ce docteur.
Le médecin qui, sans officiellement prescrire le “guérisseur”, vous désigne officieusement sa porte, pour vous soulager… En fait, cela ne date pas d'hier, lorsqu'on commence à se pencher sur la question des rapports compliqués qu'entretiennent ceux qui ont prêté le serment d'Hippocrate et les francs-tireurs d'Esculape, le dieu de la médecine. Mais si avant, c'était rare et tu parce que très mal vu, aujourd'hui, cela se dit, se fait et s'assume plus.
Zona, mais aussi inflammations liées aux radiothérapies traitant les cancers ou brûlures tout court… «Régulièrement les médecins m'envoient du monde» confirme au téléphone Brigitte Grimm-Laforest, magnétiseuse et présidente du GNOMA, le Groupement national pour l'organisation des médecines alternatives, association officielle des guérisseurs et magnétiseurs, en France.Reconnaissant qu'aujourd'hui «ça s'ouvre», côté relations entre médecins et soignants non conventionnels, «certains pharmaciens nous recommandant également à leurs clients, pour du soutien, lorsqu'ils sont en chimio ou traités par rayons», note-t-elle.
Mais c'est encore «du cas par cas» et rien d'officiel, «plutôt le fait de praticiens en fin de carrière ou de chefs de service n'ayant rien à craindre», observe-t-elle, côté médecins.
En Midi-Pyrénées ? Au Centre Hospitalier de Rodez, cela fait quelques années déjà que le Dr Alain Marre, radiothérapeute, a ainsi opté pour une approche pragmatique et sans hypocrisie de la question.
«Devant la difficulté, la peur que provoque le cancer, on a besoin de tout», estime-t-il. Et «tout», pour lui, c'est faire en sorte que le malade, mais surtout l'être humain en face de lui se sente le mieux possible, pour mieux lutter durant le traitement contre sa maladie. Ce qui passe par l'art thérapie, le sport, la sophrologie et… le coupeur de feu, «si les gens le souhaitent et y croient», précise-t-il (lire page 3).
Une ouverture d'esprit que revendique l'AFSOS, l'Association francophone pour les soins oncologiques de support. S'ouvrir, mais aussi évaluer ces pratiques afin de ne pas ouvrir la porte à d'éventuelles dérives : c'est l'un des objectifs défendus par le professeur Ivan Krakowski, son président, oncologue spécialiste de la douleur, à Bordeaux (lire ci-dessous). Car pour le médecin comme pour l'authentique «leveur de maux»,le but reste le même face à la souffrance : soulager le patient.
Le docteur Nicolas Perret a récemment consacré une thèse au sujet, titrée Place des coupeurs de feu dans la prise en charge ambulatoire et hospitalière des brûlures en Haute-Savoie.
Interview.
«L'esprit reste-t-il de très loin incompris ?», interrogez-vous en présentant votre travail.
A-t-on trop longtemps négligé les capacités des «leveurs de maux» et leur étude scientifique ?
L'esprit de cette pratique n'est pas si incompris, je le trouve même très ancré dans l'imaginaire des gens. Et peut-être même de plus en plus, en réponse à une demande hors médical, pour donner une réponse symbolique dans une époque en perte de repères existentiels où prédomine la réflexion scientifique, la médecine par les preuves, l'abord pragmatique des problématiques humaines. Donc la population ne néglige pas les capacités des leveurs de maux, mais le discours sociétal, scientifique, lui, le néglige faute de réponses.
Ce faisant... Magnétisme, hypnose, énergie : vers où faudrait-il orienter les recherches ?
La science, effectivement, ne peut pas soutenir ni démontrer l'action des leveurs de maux. La réponse, à mon sens, est anthropologique, par l'effet symbolique et l'approche la plus scientifique serait peut-être de parler de l'effet placebo dont on connaît une efficacité non négligeable (jusqu'à 50% d'efficacité dans certains essais scientifiques sur le médicament). Les énergies ? Non... il n'existe aucun élément palpable pour y croire ; le magnétisme, idem et l'hypnose non plus car le lien, le contact, l'emprise du leveur de maux sur la personne souffrante peut-être très distant (par téléphone, voire même avec des coupeurs de feu agissant sans le dire à la personne concernée). Encore qu'il faudrait être prudent, sur ce point de l'hypnose, en effet, le fait, pour une personne souffrante de remettre son mal entre les mains d'un acteur chargé d'un fort effet symbolique pourrait peut-être s'apparenter, de loin, à la relation hypnotique, mais là, c'est avec un hypnothérapeute qu'il faudrait en parler.
Le décloisonnement qui semble s'opérer à Annemasse ou Rodez est-il une exception ?
Il n'est sans doute pas exceptionnel et dépend aussi sans doute d'une certaine géographie, du fait de l'enracinement plus prégnant de ces pratiques dans certaines régions, mais cela est sans doute de moins en moins vrai du fait de la mobilité des populations, de la médiatisation, de l'accueil de plus en plus favorable de ces approches parallèles en contrepoint au médicalisme ambiant. L'intrication de ces pratiques dans les soins médicaux reste cependant quasiment strictement personnelle, à l'initiative de chaque soignant, rarement institutionnelle, et peut donc ainsi s'immiscer partout, même dans les services de pointe (grands brûlés, radiothérapie, oncologie...)
La relation médecin-guérisseur doit-elle se développer ?
Pour conclure, je dirai qu' il convient à mon sens d'accueillir ses pratiques pour ce qu'elles sont : une aide complémentaire, humble et sans danger, qui ne doit pas détourner des soins médicaux et qui répond à une demande existentielle de soulagement sociétal qui prend la place de ce qu'il en était à l'origine : soulager quand les soins médicaux n'étaient pas accessibles faute de moyens ou de médecin à proximité, voire d'efficacité médicale ! Mais pour moi, il ne faudra pas confondre cette pratique avec les activités lucratives que peuvent représenter le magnétisme ou autres «consultations» basées sur nombres d'hypothèses fallacieuses, invérifiables et qui peuvent coûter cher !
«L'autre jour, deux ouvriers gravement brûlés… à l'hôpital, on a donné mon téléphone à leurs familles. Je leur ai fait passer le feu. Et puis j'ai de plus en plus de personnes qui m'appellent parce qu'elles sont en radiothérapie», note cette petite femme discrète tenant à son anonymat dans sa sous-préfecture des Pyrénées. Certes… Mais alors comment les malades qui la sollicitent savent-ils qu'elle calme les brûlures ?
«Le bouche-à-oreille dans les salles d'attente, les ambulanciers pendant le transport médical vers le service d'oncologie, de radiothérapie…», répond-elle. Représentative de cet espace informel où la médecine admet voire indique le «guérisseur», ou plutôt le… «coupeur de feu» ou «leveur de maux», «car on ne guérit pas, on soulage», rappelle Philippe Marguery, 58 ans.
Ariégeois installé à Toulouse, lui est magnétiseur, «comme mon père avant moi», précise-t-il, pointant une photo de famille, un autre portrait veillant sur lui, derrière son bureau. Celui de Julien Bedbeder, «l'homme aux mains d'or» que connaissait toute la Bigorre, «mon tuteur».
Prix clairement affichés dans son cabinet, 33€ la consultation», 40 pour arrêter de fumer… Brûlures, zona, insomnies, rhumatismes, douleurs : «je traite au niveau de l'émotionnel, pour évacuer le vécu négatif et je n'ai pas la prétention de savoir plus qu'un autre, toute action du magnétiseur se faisant dans l'intention, en canalisant son énergie par rapport à cela», explique-t-il.
Constatant lui aussi un nombre croissant de malades en radiothérapie ou chimiothérapie dans sa salle d'attente.
«Directement, l'hôpital ne m'envoie personne. Par contre, des patients que je connais, ou des familles de patients hospitalisés m'appellent pour que j'aille réénergiser leur proche, après une intervention assez lourde. Je leur demande alors de solliciter l'autorisation au chef de service.
C'est une question de courtoisie mais aussi de confort, pour ne pas être dérangé quand je suis avec la personne et parce que soigner en cachette ne met pas dans les meilleures dispositions mentales», précise-t-il.
L'accueil ? «On ne m'a jamais dit «non». Ma compagne est décédée d'un cancer, il y a quatre ans, j'ai alors eu beaucoup de contacts avec le milieu médical. Ils sont tous ouverts et il y a eu une évolution énorme, en 30 ans. Aujourd'hui, il y a une meilleure écoute quant aux soins non conventionnels, une volonté de comprendre de beaucoup plus de médecins. Les radiothérapeutes savent parfaitement que les gens se font couper le feu, lorsque le traitement les brûle trop. Mais quand je suis demandé pour ça par un patient, je ne le fais jamais sur place. Et que les choses soient claires : je n'ai pas la prétention de guérir le cancer. J'aimerais, oui, bien sûr… Mais moi, mon rôle, c'est d'apporter le soulagement pour que les malades supportent mieux le traitement», poursuit Philippe Marguery.
La présence du «guérisseur» à l'hôpital ?
«Je n'en ai pas dans le placard», sourit le Dr Alain Marre. Un brin las des clichés qu'on colle à son service de radiothérapie, au Centre Hospitalier de Rodez, rapport au fait… qu'il ne fait pas mystère d'avoir une coupeuse de feu dans sa large panoplie de soins de support à la radiothérapie.
«Vous savez, l'Aveyron vue de Paris, ça donne toujours des reportages du genre «le rebouteux à l'hôpital». Non seulement c'est faux, mais c'est extrêmement réducteur par rapport à notre prise en charge globale, tout ce que l'on met en place pour accompagner le patient et qui passe par l'alimentation, le sport, l'art, la sophrologie afin qu'il soit en forme pour combattre sa maladie. C'est contre la douleur, la brûlure, qu'on lui indique quelqu'un et libre à lui ensuite de prendre contact», explique le médecin. Avant de revenir sur ce qui l'a amené à proposer, il y a déjà bien longtemps, le recours à cet «anti-douleur» ancestral, parallèlement aux soins haute technologie.
Regard droit derrière les lunettes, silhouette affûtée par le vélo, «né à la médecine il y a 40 ans», l'homme est «un fils de paysan, un pragmatique», explique-t-il… encore fâché après le jeune médecin qu'il était, autrefois, trop sûr de sa science pour entendre humainement le patient. Aujourd'hui âgé de 63 ans et à quelques semaines de la retraite, il raconte la scène. L'homme avec son cancer de l'estomac, ses ventouses pour se soulager du mal. Lui, le jeune toubib sortant de la faculté de Marseille qui toise le malheureux, le verbe assassin contre les remèdes de bonne femme. Et le malade qui lui dit sa vérité à lui, d'un regard douloureux : le besoin aussi de lutter contre la peur, quel que soit le moyen. Avec la compassion de ceux qui, voyant approcher la mort, pardonnent à ceux qui ne connaissent pas bien la vie. L'instant où il a pris conscience que le rationalisme n'était pas la panacée, le Dr Marre, ça le hante encore…
«Je me suis juré qu'à partir de là, je ne diaboliserais plus les médecines alternatives. Je me suis dit, tu laisseras les gens parler, tu les écouteras, tu leur en parleras, tu les aideras à choisir…» Ecouter, entendre, examiner, et surtout, prendre le temps de rencontrer la femme, l'homme en face… la clinique à l'ancienne reste son credo. «Aujourd'hui, on a tendance à ne regarder que la maladie et à oublier le patient et moi, je veux d'abord que le patient me raconte son histoire», insiste-t-il, attentif à ne pas rajouter alors de la souffrance sur la douleur… parce que la médecine, «c'est l'amour des patients, tout bêtement», résume-t-il.
Chimiothérapie à Toulouse puis radiothérapie à Rodez… «On recherche tout ce qui peut atténuer les effets secondaires et lorsque l'on sait qu'il y a des personnes qui peuvent vous éviter ou limiter les vomissements ou qui ont le «secret» pour les brûlures, pourquoi se priver d'un soutien ?» interroge alors Christine Bicrel, 55 ans, qu'il a suivie pour un cancer du sein.
Souriante et vive, Simone Guy, 77 ans, était aide-soignante en ORL au Centre Hospitalier avant sa retraite. Et c'est elle donc qui leur «fait le secret» contre les inflammations, les rougeurs provoquées par les rayons sur la peau fragilisée. «Moi, c'est religieux, une formule que je tiens de la sœur de mon mari qui nous l'a transmise à tous deux. Pour ne pas embêter le patient, le vendredi, le service m'envoie les horaires de la semaine pour les séances de radiothérapie, le patient m'appelle pour me dire ses jours et ses heures et moi, je fais le secret, je dis la prière quand il y va. Les gens, je ne les vois pas nécessairement», explique-t-elle, agissant aussi «par téléphone». Et «toujours gratuitement, c'est la règle», souligne-t-elle. à côté d'elle, son époux Armand sourit. «Autrefois, dans les années 80, c'est moi qu'on appelait aux urgences pour les brûlés et le secret, je le faisais plus qu'elle, à cette époque. On était même trois ou quatre à l'hôpital, avec ma femme», s'amuse-t-il, façon de dire que ça ne date pas d'hier ce que certains semblent redécouvrir aujourd'hui…
(1). Le prénom a été modifié.
Créée en 2008, l'Association francophone pour les soins oncologiques de support (AFSOS) a pour objet de promouvoir la connaissance et la mise en œuvre des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades d'un cancer, tout au long de la maladie et conjointement à leurs traitements. Dans ce cadre, elle collabore avec les sociétés savantes qui la «nourrissent» et sert d'interface entre les professionnels de la cancérologie, de la douleur, de la psycho-oncologie, de la nutrition, de la réadaptation ou des soins palliatifs.
Pour cette structure, les soins non conventionnels font aussi partie des pistes à étudier, ainsi que l'explique le professeur Ivan Krakowski, président de l'AFSOS. «Ces soins non conventionnels s'appuient en général sur des traditions populaires ou sur une expérience vécue positive contre la douleur.
Or si les malades ont cherché autre chose qu'un traitement conventionnel, c'est soit parce que le médecin a été négligent et n'a pas entendu la souffrance, soit parce qu'il ne pouvait rien leur apporter. Notre objectif à l'AFSOS est donc d'essayer d'identifier ce que les malades recherchent et de construire une réponse pragmatique, savoir ce qui dans ce type d'intervention de «guérisseurs», «magnétiseurs», ou «leveurs de maux» , a porté ses fruits et comment.
Mais en même temps, nous devons veiller à ce qu'il n'y ait pas de dérive sectaire, ni de charlatanisme, ni d'escrocs. Personnellement, je n'ai pas d'a priori sur le sujet, les choses ont beaucoup évolué depuis 50 ans. Je pense qu'il ne faut pas rejeter mais essayer de comprendre comment ça marche et pourquoi tout en protégeant le malade de dérives dangereuses. Ouverture et évaluation : ce sont les deux mots-clés, selon moi, dans ce dossier», conclut-il.
P.C.
LA SANTÉ PRÈS DE CHEZ VOUS